Séminaire « Recherche, arts et pratiques numériques » (2016-2017)

Comité d'organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, CNRS/AMU/EHESS), Manoël Pénicaud (IDEMEC, CNRS/AMU), Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU).

Thématique du séminaire

Ce séminaire transdisciplinaire s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières.

Dans le domaine des sciences humaines et sociales, le recours aux pratiques numériques conduit à de nombreux bouleversements que ce soit dans la collecte, la production et le traitement de données, ainsi que l’élaboration de nouvelles formes de narration et d’édition. Le tournant numérique conduit les chercheurs à reconsidérer leurs méthodes, leurs catégories, leurs paradigmes, leurs orientations théoriques, leurs objets, leurs formes de labellisation et les cadres des champs disciplinaires. D’ailleurs, compte tenu des collaborations toujours plus nombreuses qu’implique le recours au numérique entre d’un côté les sciences humaines et de l’autre les sciences exactes et expérimentales, il semble plus pertinent de parler de Digital Studies que Digital Humanities.

Dans le domaine de l’art, le numérique ouvre également des champs de pratiques radicalement nouveaux. Il transforme la relation des artistes aux outils qu’ils utilisent et aux connaissances qu’ils convoquent, produisent ou questionnent. Il transforme le statut et les formes des œuvres. En introduisant de nouvelles modalités pour assurer leur circulation, il modifie également leur relation avec le public. Le numérique bouleverse la place de l’auteur qu’il place dans une relation dynamique par rapport aux flux d’information, de circulation des images, des sons et des formes. Il donne ainsi une nouvelle importance à l’invention de dispositifs dans lesquels ces formes sont données à l’expérience, ouvrant d’infinies possibilités d’interaction avec l’œuvre. Il donne enfin une nouvelle dimension au travail collectif, à des formes diverses de collaborations, d’échanges et de contributions. D’une façon générale, on peut dire que le numérique déplace les pratiques artistiques et conduit à réfléchir autrement les relations entre arts et sciences.

Ce séminaire rassemblera des chercheurs en sciences humaines (sociologues, anthropologues, politologues, géographes, historiens, littéraires), en sciences dures (informaticiens, physiciens, mathématiciens, etc.), des artistes (designers, hackers, programmeurs, média tactique, etc.) ainsi que des professionnels (industriels, chargés de communication, etc.). Notre objectif est de favoriser des croisements, des emprunts et des déplacements qui seront propices à l’identification de nouvelles pistes de réflexion et de recherche, voire à la mise en œuvre d’expérimentations collaboratives.

Chaque mois, des participants seront invités à présenter leurs expérimentations d’outils numériques de collecte (applications mobiles, capteurs oculaires, systèmes SIG, etc.) ou d’indexation et de traitement des données recueillies (bases de données, systèmes de visualisation ou de sonification, etc.). Certains feront part de leurs explorations de dispositifs d’écriture et de modélisation de la connaissance (jeux vidéo, machinima, web documentaires, etc) ou encore de nouvelles formes d’édition électroniques.

Trois types de questions seront développés.
1) Il s’agira tout d’abord de voir comment, et jusqu’à quel point, ces pratiques et instruments transforment notre rapport au monde, nos méthodes de recherche, la construction de nos objets, la modélisation et la diffusion de notre connaissance et de nos oeuvres.
2) Nous nous interrogerons aussi sur l’impact des processus collaboratifs qu’impliquent les pratiques numériques entre chercheurs, artistes et professionnels. L’objectif est d’évaluer les apports que chaque démarche (scientifique, artistique, professionnelle) apporte aux autres.
3) Nous verrons enfin comment ces processus collaboratifs bouleversent les champs disciplinaires, les points de vue et les formes d’autorité qui organisent notre recherche et notre pratique et conduisent à repenser de manière créative de nouvelles formes de rencontre entre les disciplines scientifiques et entre celles-ci et les non-spécialistes. Commençant en janvier 2016, ce séminaire fonctionnera selon un rythme de rencontres mensuelles, d’une durée de trois heures.

Partenariat

IMéRA, Institut Méditerranéen de Recherches Avancées (AMU), IREMAM, Institut de Recherches et d’Etudes sur le monde arabe et musulman (CNRS/AMU), Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence et IDEMEC, Institut d’Ethnologie Méditerranéenne Européenne et Comparative (CNRS/AMU). 

Calendrier 2016-2017

Mercredi 13 janvier 2016, 10h-12h30 à l'IMéRA, Marseille.
- "Art, sciences et processus exploratoires", Jean Cristofol (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence).
- "Créer à l’ère numérique : arts, sciences, technologies", Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS).

Mercredi 3 février 2016, 10h-12h30 à l'IMéRA, Marseille.
- "Les jeux vidéo entre recherche et création artistique", Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU) et Douglas Edric Stanley (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence).

Mercredi 2 mars 2016, 10h-13h à l'IMéRA, Marseille. 
- "Une UMR entre Arts et Sciences ?"

10h-11h : Présentations. 
Introduction : Jean Claude Risset (Directeur de Recherche émérite AMU/LMA).
- "Arts, sciences, numérique : jeux et enjeux de l’interdisciplinarité", Jacques Sapiéga (Maître de Conférences émérite, ASTRAM, Aix Marseille Université).
- "Les métaphores sonores : une approche interdisciplinaire des processus de contrôle de la synthèse sonore", Richard Kronland-Martinet (Directeur de recherche au CNRS – Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique – Marseille).
- "La Recherche Création (Mise) en pratique à Locus Sonus", Peter Sinclair (Professeur, ESAAIX).

11h30-13h : Discussion : Cyril Isnart (chargé de recherche, Institut d’Ethnologie et Méditerranéenne, Européenne et Comparative, CNRS/AMU) et Olivier Tourny (chargé de recherche, Institut d’Ethnologie et Méditerranéenne, Européenne et Comparative, CNRS/AMU, Ecole Française de Rome).

Mercredi 20 avril 2016, 10h-12h30 à l'IMéRA de Marseille.
"Nouvelles écritures du numérique : arts sciences humaines."
Cf. Greg Borenstein, Generated Detective 

- Boris Petric (Directeur du Centre Norbert Elias – EHESS-AMU-CNRS Marseille), "La fabrique des écritures innovantes en sciences sociales".

La fabrication de l’écriture constitue un ensemble d’enjeux épistémologiques majeurs comme le rôle de la description et de la narration. L’anthropologue et le sociologue construisent leur savoir sur des données qu’ils collectent directement au moment de leurs enquêtes. Cette opération scientifique singulière implique une empathie et une réflexivité par rapport à son terrain et une stratégie narrative dans la manière de restituer cette enquête . L’usage d’écritures innovantes comme le cinéma, le film d’animation, la bande dessinée, le parcours muséographique constituent des entreprises d’écriture qui ne peuvent se limiter à des enjeux de valorisation ou de vulgarisation.

- Nicolas Nova (HEAD – Genève / The Near Future Laboratory), "Ethnographie du présent, ethnographie du futur : décrire et explorer les cultures numériques".

Parmi les multiples croisements entre sciences sociales et arts appliqués, l’ethnographie et le design offrent un cas intéressant pour saisir la diversité des “manières de faire” et la portée épistémique de nouvelles approches de recherche. Cette notion de “recherche par le design” s’applique en particulier à l’exploration des cultures numériques avec pour objectif de les décrire et les comprendre (dimension descriptive), mais aussi d’imaginer leur évolution (dimension prospective). Suivant les contextes, on parle ainsi d’ethnographie par le design, de design fiction ou d’ethnographie spéculative pour faire référence à ces projets. Sur la base de différents cas situés à la frontière entre enquête ethnographique et projet de design, cette présentation abordera la logique interdisciplinaire qu’ils mettent en oeuvre, et interrogera l’épistémologie à laquelle ils renvoient. L’intervention discutera également de leur pertinence dans le champ du numérique.

Mercredi 25 mai 2016, 10h-12h30 à l'IMéRA, Marseille.
"Cartographies et géolocalisation"

- Nathalie André (architecte-archéologue, IRAA, CNRS/Aix Marseille Université), "Perception et représentation numériques en architecture et archéologie".

La pratique du relevé en architecture a été profondément modifiée par l’avènement des technologies numériques, les architectes sont aujourd’hui plus souvent amenés à manipuler des nuages de points denses que des mètres et des crayons. Le relevé photogrammétrique par corrélation dense, en donnant à la représentation du réel un caractère scientifique incontestable, a supplanté le relevé traditionnel, privilégiant ainsi une collecte globale automatique au détriment d’une représentation descriptive, certes sélective, mais porteuse de sens, de réflexion et de sensibilité. Par ailleurs les modes de représentation classiques qu’étaient le plan et la coupe, ont tendance à disparaître des logiciels de traitement des données, et sont remplacés par des modèles numériques tridimensionnels. Ces bouleversements quant à la perception et à la représentation de l’architecture nous amènent à repenser notre démarche scientifique : est-il possible de décrire, et donc d’analyser, des vestiges antiques à partir de nuages de points ? Une approche exclusivement tridimensionnelle nous permet-elle de mieux interroger et comprendre nos données ? Enfin, la représentation numérique n’est-elle destinée qu’à la valorisation des connaissances ?

- Hélène-Marie Juteau (doctorante en sociologie Télécom ParisTech), "Enquêtes géolocalisées et implication de l’acteur".

Notre enquête porte sur les usages numériques pendant la mobilité de jeunes en insertion vers l’emploi. Dans une recherche, nous utilisons une application mobile. Dans une autre recherche nous utilisons un logiciel d’enregistrement des usages du Smartphone. Ces deux dispositifs d’enquête sont géolocalisés. On pourrait penser dès lors que la personne enquêtée est tenue en périphérie de la recherche, mais ce n’est pas le cas. Nos techniques d’enquête nécessitent au contraire une compréhension fine des représentations spatiales de l’acteur. L’enquête par géolocalisation est doublée d’enquêtes qualitatives poussées, fondées sur le recueil de la parole de l’acteur mobile. Nous éclairerons quelques éléments de cette tension méthodologique.

- Nicolas Memain (artiste marcheur, urbaniste grand pied), "Témoignage".

Le témoignage d’un amateur passionné de cartes IGN, submergé par l’accessibilité des SIG depuis 10 ans. Nicolas Memain présentera
(1) Des atlas d’architectures marseillaises, avant et après Quantum GIS.
(2) La maîtrise d’œuvre du GR2013 : une tentative de crédibilité face aux services techniques institutionnels durant deux années pour le Chemin de Grande Randonnée ® homologué le plus rapidement exécuté de l’Histoire.
(3) Les superpositions à l’échelle de mes collections de scans de cartes et de photos aériennes fournis par les archives et l’IGN, que j’utilise pour expliquer l’évolution des formes des quartiers que je fais visiter.
(4) Et des gifs animés de couvertures Landsat où apparaissent des trajectoires de LGV.

Mercredi 16 novembre 2016, 9H30-13h à l'IMéRA, Marseille.
"Ecritures numériques : déconstruire le transmédia ?"

- Céline Lacroix-Masoni (Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Nice Sophia Antipolis, membre de l’URE //TRANSitions Médias, Savoirs, Territoires), "De quoi le transmédia est-il le nom ?"

Du storytelling transmedia à la question de la transmédialité, de la distinction entre multimédia, crossmédia et transmédia à la définition évolutive (augmentée?) d’Henry Jenkins du Storytelling Transmedia, nous proposerons, à partir d’un travail de typologisation du transmédia (productions et publics) d’interroger la transmédialité dans sa définition et ses pratiques.

- Antoine Gonot (LMA, ASTRAM, SATIS) : "La place des nouvelles écritures et des médias interactifs numériques dans les formations aux métiers du Cinéma et l’Audiovisuel".

On assiste depuis quelques années à un basculement de l’audiovisuel vers l’interactivité. De nouveaux métiers apparaissent et d’anciens métiers changent. L’offre de formation des écoles du secteur de l’audiovisuel doit donc évoluer pour répondre à cette nouvelle demande créative. Ainsi, depuis 2013-2014, le département SATIS de l’université Aix-Marseille et le CNAM expérimentent ensemble un enseignement visant à initier les futurs professionnels à l’écriture non-linéaire et aux médias interactifs numériques. Après une présentation des projets qui ont vu le jours depuis la création de cet enseignement, nous discuterons de sa pertinence, dans le contexte particulier de la formation auquel il est intégré.

- Douglas Edric Stanley (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence, HEAD Genève), "Le miroir d’encre".

Les chemins bifurquent. Le premier mène à l’horizon vers le Nouveau. L’autre, une forêt de Médias. Vous suivez l’horizon. Dérive sur des chemins sinueux, cela vous ramène au croisement initial. Vous rentrez dans la forêt. Un épais enchevêtrement de branches. Après moults efforts, vous voici de nouveau face au chemin du départ. À vos pieds, un livre. Vous prenez le livre. Lecture. Chaque page ressemble à la précédente. C’est l’histoire d’une femme, devant un chemin qui bifurque : elle tient dans ses mains un livre.

Mercredi 7 décembre 2016, 10h-13h à l'IMéRA, Marseille.
"Quoi de neuf du côté des androïdes ?"

Emmanuel Grimaud (Anthropologue, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC), Université Paris Ouest Nanterre La Défense, CNRS) : "La Vallée de l’Etrange. Mises à l’épreuve d’un mystère expérimental, entre robotique et anthropologie."

Mon intervention reviendra sur la théorie du roboticien japonais Masahiro Mori, et le rôle moteur qu’elle a joué dans la robotique humanoïde contemporaine. J’aborderai aussi les expérimentations auxquelles nous nous sommes livrés avec l’artiste Zaven Paré, autour du Geminoid au Japon ainsi que l’expérience Ganesh yourself en Inde (un robot qui permet de se mettre à la place de Dieu et d’avoir avec lui une conversation). Je parlerai par ailleurs de la manière dont on a essayé de repenser la vallée de l’Etrange avec l’exposition Persona (MQB). On y confrontait arts premiers et robotique, invitant le spectateur à faire toute une série d’expériences sur les modalités d’attribution d’un statut de personne à des ‘non humains’.

- France Cadet (Artiste, professeure à l’école supérieure d’art d’Aix en Provence) : "Robot mon Amour".

France Cadet est une artiste de l’hybridation qu’une armée de robots chien a propulsé sur la scène artistique internationale. Ses animaux de compagnie, elle les a génétiquement modifiés par le code informatique. Leurs mouvements singuliers, tout comme les cartels qui les identifient, nous incitent à repenser notre relation aux machines autonomes qui investissent notre quotidien. Elle poursuit dans la série Robot mon Amour ses hybridations avec des créatures mi-femme mi-robot où vivant et artificiel, chair et mécaniques s’entremêlent. Y a-t-il encore une femme dans la machine ? La question du genre, évidemment, est une problématique sous-jacente du travail de cette artiste aux multiples identités qui nous incite à repenser plus largement notre conception du vivre ensemble.

- Angelica Lim (Ingénieure en intelligence artificielle, SoftBank Robotics Europe, Kyoto University) : "Comment construire le cerveau d’un robot depuis l’intelligence artificielle jusqu’à l’intelligence émotionnelle ?" 

Que reste-t-il à accomplir pour que C3P-0 et Rosie le Robot deviennent réalité ? Angelica Lim explorera les éléments qui composent le cerveau d’un robot, autrement dit son programme interne, en regardant sous la capuche d’un vrai robot compagnon humanoïde.

Mercredi 18 janvier 2017, 10h-12h30 à l'IMéRA, Marseille.
"Quoi de neuf du côté des algorithmes ?"

- Dominique Cardon (sociologue), Sciences po/Médialab : "Les algorithmes rendent-ils vraiment le monde prévisible ?"

Nous sommes entrés dans une société de calculs. Les techniques qui se déploient avec le monde des big data prétendent capturer au plus près les comportements des individus et prédire ce qu’ils sont, ce qu’ils pensent et ce qu’ils vont faire. Mais le monde devient-il pour autant plus prévisible ? Il est utile de revenir sur l’histoire de l’Intelligence artificielle et sur les raisons qui expliquent son retour soudain dans l’actualité avec les succès des nouvelles méthodes d’apprentissage et des réseaux de neurones (Watson, AlphaGo, etc.). La promesse d’une société prédictive constitue un défi pour nos sociétés : quelle liberté est laissée aux choix des individus ? Jusqu’où peut-on personnaliser sans défaire la société ? Comment peut-on comprendre et réguler les décisions des nouveaux calculateurs ?

- Francis Chateauraynaud (anthropologue), GSPR – EHESS : "Quelles logiques d’enquête face aux flux du Web ? Leçons cognitives et politiques d’une expérience de contre-intelligence artificielle".

Lorsqu’au début des années 2000, la socio-informatique des controverses a renoué avec l’intelligence artificielle en passant du logiciel Prospéro (analyse de corpus textuels évolutifs) au logiciel Marlowe (conçu comme un interlocuteur virtuel fonctionnant en mode dialogique et doté de modes d’apprentissage spécifiques, et même singuliers), le sens et la portée de cette expérimentation ont été difficilement perçus, y compris dans l’environnement intellectuel le plus proche. Il faut dire que l’on était avant le basculement des humanités numériques, passées de l’état d’avant-garde critique des machines dominantes de l’internet à celui d’alignement quasi général doublé d’une forme d’injonction managériale.

Si les développements de Prospéro et Marlowe se sont poursuivis après 2010, c’est à travers la construction d’observatoires sociologiques des processus critiques (alertes, controverses, conflits, notamment dans les domaines sanitaires, environnementaux et technologiques) qu’a été validée ce que les ingénieurs appellent la « preuve de concept ». Après plus de 15 ans d’expériences, et des évolutions considérables dans les mondes numériques, quels sont les chemins qui s’offrent à ce qui a fini par prendre la forme d’une « contre-intelligence artificielle » distribuée ? En partant des activités autonomes du chroniqueur de Marlowe, qui s’exprime tous les jours sur son blog, et qui n’est que la partie émergée d’un réseau d’artefacts cognitifs et d’interprètes humains, l’exposé montrera comment la conception des structures de données, des algorithmes et des interfaces a évolué et continue d’évoluer. Il s’agira surtout de montrer comment se positionne le réseau de développeurs-utilisateurs face à d’autres formes de traitement de la profusion des informations et des opinions dans les flux du Web.

Mercredi 15 février 2017, 10h-12h30 à l'IMéRA, Marseille.
"Exposition : une nouvelle forme d’écriture ?"

- Manoël Pénicaud, anthropologue (IDEMEC-CNRS-AMU) : "Mise en abyme du processus d’exposition du religieux".

Anthropologue et co-commissaire de l’exposition « Lieux saints partagés », je propose une réflexion d’ensemble sur l’itinérance de ce projet à Marseille (MuCEM), Tunis (Bardo) et Paris (MNHI), puisque chaque étape implique une réécriture ("hétérographie") et une nouvelle scénographie. Comment mettre en scène le religieux qui est lui-même mis en scène et chorégraphié par les croyants, telle est la mise en abyme qui sera questionnée. Je présenterai les différents dispositifs numériques, audiovisuels et interactifs mis en œuvre dans cette série d’expositions consacrées aux sanctuaires fréquentés par des fidèles de religions différentes autour de la Méditerranée.

- Denis Chevallier, ethnologue et commissaire d’exposition (MuCEM) : "Vies d’ordures : comment exposer l’économie des déchets".

Denis Chevallier est aussi l’un des commissaires de la future exposition du MuCEM : "Vies d’ordures, de l’économie des déchets", qui ouvrira le 21 mars prochain. Cette exposition abordera à travers la question des déchets, leur nature, leur provenance, leur traitement, leur valeur, la grave crise écologique qui touche notre planète. Appuyé sur des enquêtes ethnologiques, l’exposition s’attardera sur les lieux, les gestes, les hommes des déchets. En prenant acte des mobilisations politiques, technologiques, citoyennes en cours l’exposition sera une occasion de plus d’alerter sur l’ampleur et les conséquences d’une catastrophe déjà présente et de présenter quelques solutions. Denis Chevallier livrera donc in vivo le processus de réflexion, de sélection et d’arbitrage qui prévaut dans la mise en exposition d’un sujet de société, en évoquant en s’arrêtant particulièrement sur les dispositifs numériques et audio-visuels prévus.

- Thierry Fournier, artiste et commissaire d’exposition indépendant (École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris, École nationale supérieure d’art de Nancy, Sciences Po Paris) : "Recherche par l’exposition et condition post-numérique".

Alors qu’aujourd’hui la condition d’exposition qualifie aussi bien celle de l’art que celle des personnes dans un environnement numérique, et que l’expérience des œuvres est confrontée à une logique de surexposition généralisée, comment l’exposition peut-elle constituer aujourd’hui un moment spécifique d’expérience, d’interrogation et de critique ? Thierry Fournier évoquera ces enjeux et sa démarche de commissaire à travers plusieurs exemples d’expositions récentes et les directions de travail du groupe de recherche Displays.

Mercredi 15 mars 2017, 10h-12h30 à l'IMéRA, Marseille. (Exceptionnellement, le séminaire aura lieu dans la salle de conférence du nouveau bâtiment de l'IMéRA) 
"Archéologie et numérique"

T. Bartette (ISCD-UPMC), L. Norgeot (ISCD-UPMC) et E. Rosso (Université Paris Sorbonne- EA 4801-IUF) : "Objets archéologiques, fac-similés numériques, restitution architecturale. Le décor figuré du théâtre antique d’Orange".

Le recours aux technologies numériques tend à se généraliser en archéologie, le plus souvent dans le but de visualiser des données complexes grâce à des outils et des logiciels préexistants. Dans le cadre du projet NuméRO, fruit d’une collaboration interdisciplinaire mobilisant des compétences en histoire de l’art, en architecture et en informatique, le parti retenu a été la mise au point d’une application logicielle dédiée, répondant à un cahier des charges dicté en amont par des questionnements scientifiques précis. L’objectif premier était de proposer une restitution de l’une des frises en marbre du théâtre antique d’Orange (l’un des mieux conservés du monde romain) fondée sur la numérisation par photogrammétrie de fragments sculptés extrêmement lacunaires ; pour ce faire, nous avons procédé à la confrontation numérique des fragments conservés et à la "restauration" virtuelle des sections manquantes, autorisée par la nature même du décor, qui se caractérise par une syntaxe iconographique reposant sur des combinatoires complexes de figures de répertoire. Le dialogue constant entre les différents acteurs du projet a suscité des ajustements et des réorientations qui ont également conduit à l’ajout de nouvelles fonctionnalités et à l’émergence de nouvelles pistes de recherche. Ainsi, loin d’être de simples avatars dont la principale utilité est de permettre à l’archéologue de s’affranchir de la pesanteur du marbre ou du contact direct avec l’objet archéologique ou le "terrain", les fac-similés numériques se sont révélés être, au-delà des attentes initiales, les supports de nouveaux questionnements scientifiques.

Mercredi 26 avril 2017, 10h-13h à l'IMéRA, Marseille.
"DEMO (or die!), Technologie, art, science ?"

- Claude Rosental (anthropologue, CEMS CNRS/EHESS) : "Usages des démos dans le domaine des sciences et des technologies".

Dans le cadre de ma communication, j’analyserai un certain nombre de pratiques de démos dans le domaine des sciences et des technologies. Je montrerai comment de nombreux scientifiques et ingénieurs utilisent aujourd’hui les démonstrations publiques de technologies comme des outils d’échange et de coordination, des dispositifs cognitifs et relationnels, des instruments de mobilisation et de concurrence, ainsi que des ressources pour la conception, la gestion et l’évaluation de projets. Je m’appuierai pour cela sur des enquêtes que j’ai réalisées sur les usages des démos par des scientifiques et des ingénieurs américains et européens. Ces enquêtes illustreront la manière dont des démo-craties, régimes qui utilisent les démonstrations pour la gestion des affaires publiques – se sont développées dans les sociétés contemporaines.

- Etienne Cliquet (Artiste et chercheur – ISDAT – Ecole des beaux arts Toulouse) : "La démo non théâtrale"

Dans un texte intitulé « La performance non théâtrale » paru en 1976, l’artiste américain Allan Kaprow à propos des performances de ses contemporains se demandait si elles relèvent ou non du théâtre. Je voudrais à mon tour poser cette question à propos de la démo aujourd’hui. Comme lui, je partirai d’exemples précis de démos en incluant ma propre expérience de la chose. Pour le reste, j’éviterai la recherche d’une typologie de la démo comme ce fût le cas de la performance (happening, events, etc.). Impliquant une réflexion sur la place d’Internet et du numérique, il faut se demander quelles sont les raisons historiques, les implications politiques et les conséquences d’un art non conventionnel, sans public mais en public, c’est à dire non théâtral.

- Samuel Bianchini (Artiste et chercheur – ENSAD Lab, Paris), "Démonstrateur(s) : concevoir et expérimenter des dispositifs artistiques interactifs avec des affordances sans usage et sans fins".

De Douglas Engelbart au fameux “Demo or Die” du MIT analysé par Peter Lunenfeld, le terme “démo” explicite le principe d’une démonstration qui vise à faire comprendre les ressorts d’une action réussie, le plus souvent avec un objet technique, et, par ce biais, cherche à convaincre l’auditoire de la qualité de l’objet technique en question. Le terme “démonstrateur” est, quant à lui, plus polysémique ; il est difficile de savoir s’il s’agit de la personne qui réalise la démonstration, du dispositif technique qui supporte cette démonstration ou de ce même agencement technique offert en test à un public choisi et accompagné. En effet, le terme “démonstrateur” est couramment utilisé en ingénierie pour désigner un premier dispositif suffisamment fonctionnel pour être soumis à des expériences d’usage. Dès lors, lorsque des collaborations entre ingénierie et art conduisent à réaliser un dispositif en commun, est-il possible de considérer ce dernier comme démonstrateur du point de vue des ingénieurs et comme œuvre pour les artistes ? Si une telle différence d’appréciation peut exister, les attentes des uns et des autres sont-elles si différentes lorsque l’on sait à quel point les œuvres à forte composante technologique nécessitent d’être testées ? L’exposition peut-elle être alors considérée comme un espace de tests où l’expérience du public est autant celle qu’il produit pour lui-même, son expérience esthétique, qu’une expérience à laquelle il contribue, une sorte de test “utilisateur” ? Une sorte seulement, car si les œuvres opèrent, elles ne sont pas pour autant mues par des fonctions : ici, nuls modes d’emploi, tâches à accomplir ou objectifs à remplir. Comment concevoir des agencements et agentivités, envisager des affordances, pour des expériences esthétiques sans fins ? Ce sont ces quelques questions qui seront abordées à partir de l’expérience de l’auteur, à la fois de son point de vue d’artiste et de chercheur.

Mercredi 17 mai 2017, 10h-13h à l'IMéRA, Marseille.
"Entre art et science: le sol et le vivant"

Martine Chalvet, historienne, TELEMME, CNRS/Aix Marseille Université : "Des histoires de forêts : une marche vers la pluridisciplinarité"

Actuellement, les forêts sont des objets d’études pluridisciplinaires qui entremêlent toutes les disciplines qui étudient les écosystèmes et les disciplines des sciences sociales sans oublier la dimension artistique. Pourtant les forêts ont longtemps fait l’objet d’une histoire anthropocentrée ; celle des hommes dans leur rapport aux bois. Cette intervention vise à comprendre les grandes évolutions de la manière de faire de l’histoire des forêts, une histoire qui peu à peu s’est ouverte aux autres champs disciplinaires. L’exemple de la forêt de la Sainte-Baume pourra être utilisé pour montrer toutes les richesses d’un dialogue et d’un travail entre disciplines autrefois cloisonnées.

Penser de bas en haut, quand le sol prend la parole, Aline Veillat, artiste indépendante et chercheur associé à la Haute Ecole d’Art et de Design Genève.

Penser de bas en haut, quand le sol prend la parole est un projet de recherche Art&Sciences au sein de l’IMéRA où je m’aventure au pays des sciences des sols et de l’environnement, et de l’anthropologie de la nature, de la relation à l’animal mais aussi de la technique. Afin de ramener l’attention sur le sol comme élément primordial à la vie sur terre par les moyens de l’art, je commence comme tout projet par une première phase de recherche pour essayer de comprendre le sol depuis l’intérieur, dans son essence même : tenter de le définir comme un tout, comme une entité vivante, autrement dit comme un être vivant interagissant avec le monde, et avec d’autres êtres. Ma démarche d’artiste chercheur dans le champ Art&Sciences s’élabore donc pas à pas depuis un processus de lecture oblique et sans hiérarchisation de différents savoirs qui conduit vers de nouveaux points de vue sur les choses. Ces derniers s’expriment par une énonciation poético philosophique, élaboration de nouvelles idées nées dans cette entremêlement des savoirs des sciences de la terre, de l’environnement et de l’anthropologie. Cette première phase nécessaire, qui s’exprime autour des mots, structure des hypothèses plastiques. Cette présentation propose de vous donner à percevoir ce processus créatif intra-disciplinaires. Un pas vers une ébauche pour une heuristique d’une transformation symbolique par les moyens de l’art.

Discutant : Jean Samuel Bordreuil, sociologue, LAMES, CNRS/Aix Marseille Université.

Mercredi 22 novembre 2017, 10h-13h à l'IMéRA, Marseille.
"De la cartographie alternative à la cybergraphie"

Anna Guillo, arts plastiques et sciences de l'art, Laboratoire d’Etudes en Sciences des Arts (LESA), Aix Marseille Université : "Cartographie alternative et géographie expérimentale : propositions artistiques."

La cartographie alternative et la géographie expérimentale sont nées par l’action conjuguée d’artistes et de chercheurs universitaires dans un contexte propice à l’apparition d’une géohistoire de l’altérité et comme conséquence de l’invention de la géocritique liée aux héritages des études féministes et post-coloniales. Dans le prolongement de cette histoire, et en prenant appui sur des exemples précis puisés dans le champ artistique contemporain, il s’agira de montrer comment la cartographie alternative peut être aujourd’hui envisagée comme un outil de décolonisation des savoirs.

Thierry Joliveau, géographe, Centre de Recherches sur l'Environnement et l'Aménagement (CRENAM), Université de Saint Etienne : "De la géomatique à la cybergraphie. Expérimenter l'imaginaire des techniques géonumériques".

Une recherche en cours dans le cadre du Labo des Usages de l'AADN (Association pour les Arts et Cultures Numériques) rassemble artistes et chercheurs en sciences humaines. Un groupe d'artistes rassemblé autour de Pierre Amoudruz développe des interventions artistiques en espace public de type « infusion-diffusion » qui mobilisent des habitants sur un territoire avant de présenter un spectacle à mi-chemin entre théâtre et performance numérique. Dans le cadre d'un précédent spectacle "Avatar’s Riot" (2015), les artistes ont inventé de toutes pièces avec l'ethnographe Jeanne Drouet, la Cybergraphie, une nouvelle discipline scientifique, qui sert de ressort fictionnel aux interventions. Définie par ses inventeurs sur Wikipédia ("Cybergraphie" 2017) comme un "ensemble d’approches, de méthodes et de techniques d’enquête relatives à l’étude du cyberespace et de sa "population" (principalement les internautes)", elle permettait de « traquer les traces du monde virtuel dans le monde réel". La création de la nouvelle intervention de l'AADN "Là-Haut le Cloud, Ici le Soleil" est l'occasion d'un projet de recherche combinant géographie et art pour explorer les articulations entre espaces numériques et espaces concrets. Mélanie Mondo, étudiante en master de géomatique et spécialiste des techniques de géographie informatique, a été intégrée dans la préparation du spectacle comme cybergraphe officielle de l'équipe. Elle était chargée de nourrir les artistes en techniques susceptibles d'enrichir la fiction tout en interrogeant l'imaginaire associé aux usages de ces techniques par les artistes, les habitants et le public. C'est cette expérience toujours en cours qui sera présentée et discutée lors du séminaire.

Mercredi 6 décembre 2017, 10h-13h à l'IMéRA, Marseille.
"Expérimentations art-science et approches ethnographiques" 

- Cédric Parizot, anthropologue du politique, chercheur à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM, CNRS/Aix Marseille Université) et à l’IMéRA (Institut d’études avancées d’Aix Marseille Université) : "Israël/Palestine, un antiAtlas".

A l’occasion de ce séminaire, je présenterai une approche inédite des transformations des espaces israélo-palestiniens au cours des 30 dernières années. Fondée sur des expérimentations art-science menées à l’IMéRA, depuis 2011, et inspirée de la théorie de l’acteur-réseau et de la physique quantique, cette approche opère une série de déplacements épistémologiques et ontologiques par rapport aux travaux qui ont étudié les recompositions des espaces israéliens et palestiniens à l’aube du 21ème siècle. L’enjeu de ces déplacements n’est pas de substituer un récit à ceux préexistants, mais de remettre en jeu notre rapport à cet objet déjà particulièrement analysé et documenté pour relancer et poursuivre la réflexion à son propos.

Retrouver toutes les séances du séminaire sur le site de l'antiAtlas des frontières