L'IREMAM-accueille-Christiane-Veauvy

L’IREMAM accueille Christiane Veauvy

Aux origines de la sociologie et du féminisme en France

Autour de l'ouvrage Expérience et pensée. Saint-Simon, saint-simoniennes, saint-simonisme. Naître à des liens menacés de silence, Geuthner, 2022

Jeudi 20 juin 2024, 14h, MMSH, salle Germaine Tillion, Aix-en-Provence. Séance animée par Kamel Chachoua, anthropologue et sociologue à l’IREMAM.

Entre l'œuvre de Saint-Simon (1760-1825), disputée entre ombre et lumière et les recherches variées sur le saint-simonisme, Christiane Veauvy met l'accent sur la naissance de la sociologie en France, sur les productions culturelles des saint-simoniens en Provence, sur le féminisme saint-simonien et leurs liens avec l'Italie. De là, s'ouvre une recherche interdisciplinaire non positiviste sur la Méditerranée.

Chez Saint-Simon, la substitution d’une réorganisation sociale et d’un autre rapport à la nature à l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’administration des choses au gouvernement des hommes, entre autres, ont pris corps théoriquement en partant de l’expérience plutôt que de « raisonnements a priori » (Le producteur, oct. 1825 - oct. 1826). De la lecture de ses œuvres éditées pour la première fois en 2012 en œuvres complètes émergent des liens entre action et pensée, corps et esprit. Le saint-simonisme (1825-1835) apparaît, au lendemain de la Révolution de Juillet, comme un « espace-temps » élargi aux prolétaires et aux femmes attirés par cette « nouvelle et puissante doctrine », prêts à s’impliquer dans la pratique de ces liens et les discussions dramatiques entre les deux « Pères », Bazard et Enfantin (sur la « question de la femme », les rapports internes et externes – silence sur les émeutes des canuts lyonnais). Saint-Simon et le saint-simonisme ont été /sont des « passe-frontières » entre les sexes, les cultures, les états (réciprocité des échanges avec la Toscane pré-unitaire et l’Allemagne des intellectuels post-hégeliens).

À la promesse « d’être sincères en tout », véritable leitmotiv du saint-simonisme, les « prolétaires saint-simoniennes » ont répondu en créant un mouvement autonome où vivre leur désir de ne pas séparer cœur, corps et esprit, « dans la foi religieuse qui nous donne la force de vaincre » (La femme libre, 1832) ; par la création de cette forme sociale-politique et l’audace de leur pensée, elles ont précédé les hommes ; leurs écrits et ceux de leurs proches (Cl. Démar, S. Voilquin) nous bouleversent encore. Des formes de créativité étonnamment populaires sont nées en Provence sur les décombres de la société d’ordre, telles les chansons provençales de V. Gelu à Marseille (1837-1855) et ses Notes biographiques écrites en français (rééditées en partie à la fin XXe siècle), tel Le marquis des Saffras, roman du saint-simonien J. de la Madelène (1849) réédité plusieurs fois. Femmes et hommes se référant au « vrai », chez lesquels la totalité de l’être est engagée dans le sillage de Saint-Simon, n’inventent-ils pas le politique moderne à l’encontre des codes et des chartes fustigés par Cl. Démar (1833) ? Le saint-simonisme n’a-t-il pas été la matrice de la sociologie avec la découverte du rapport à l’autre, dégagée du moralisme étouffant du XIXe siècle (S. Zweig), peut-être articulée à la naissance du féminisme ? N’a-t-il pas généré une nouvelle manière de penser que la IIIe République aurait tenté d’annihiler (imposition du positivisme comme philosophie centrale) et les prémices de la découverte freudienne ?

Christiane VEAUVY est chargée de recherche honoraire au CNRS. Docteur d’État ès sciences lettres et sciences humaines et ès sociologie, elle a consacré ses recherches à la Provence, au saint-simonisme et aux saint-simoniennes, aux féminismes (confrontation France, Italie, rives sud et est de la Méditerranée). Le rapport à l’autre est privilégié dans son approche pluridisciplinaire, ainsi que l’échange dans sa diversité, sa réciprocité ou son asymétrie.

Organisé par Marie-Pierre Oulié et François Siino

Année
2024
Catégorie d'archive