Séminaire « Penser l’État sans l’ombre de la modernité » (2021)

Organisé par Myriam Catusse (IREMAM), Thomas Glesener (TELEMMe) et Isabelle Grangaud (Centre Norbert Elias).

Ce séminaire questionne les possibilités d’une approche comparative de l’État en action, désencastrant la conceptualisation de celui-ci d’une genèse, d’attributs et de paradigmes modernes. Il s’agit d’envisager les rapprochements ou distinctions (de terrains, d’époques ou de débats disciplinaires) qu’une telle perspective autoriserait ; et de contribuer aux renouvellements de l’analyse des effets d’État dans le champ des pratiques sociales et politiques comme dans celui des sciences sociales mêmes.

Concept creux, disputé ou chargé de représentations, “l’État” est en effet l’un de ces rocs sur lesquels s’abîment bien des entreprises de sciences sociales comparées. Ceci est plus flagrant encore lorsque l’on s’aventure hors des sentiers battus de l’espace européen, parfois décrit comme “l’espace des États”, celui de la différenciation et de la spécialisation de rôles et d’institutions du politique propres aux sociétés “à histoire”. Dans les sociétés du Moyen-Orient et des mondes musulmans, les débats privilégient un grand partage entre sociétés d’anciens régimes et contemporaines, d’ancien régime ou sans État. D’aucuns envisagent désormais les sociétés du Maghreb et surtout du Moyen-Orient, comme un observatoire privilégié de la “fin des États” - et notamment des “funérailles des États nations” : pas seulement du point de vue des relations internationales, mais aussi du point de vue des sciences sociales. Notre propos est tout autre que d’envisager la fin ou l’abandon, ou l’ellipse ou le retour des États. En proposant une réflexion “sans l’ombre de la modernité”, nous souhaitons au contraire instruire une réflexion exploratoire et originale sur la question de l’État en affichant une triple ambition :

- un exercice interdisciplinaire, et dans la longue durée, qui questionne, avec les outils de nos disciplines respectives, les identifications, configurations et contextes d’inscription de l’État dans des dispositifs pratiques, mais encore comme objet des sciences sociales,

- une tentative d’échapper à la tentation téléologique qui tend à accompagner la problématique de la formation de l’État pour s’émanciper d’une perspective normative prompte à considérer le principe d’États faillis ou inachevés, en préférant analyser ce que des pratiques en différentes époques et lieux signalent et instituent en fait d’État et en termes “d’effets d’État”,

- une attention aux lignes de fuite que ces confrontations exonérées de l’éclairage moderniste permettent de considérer.

Ce séminaire articule une collaboration souple de l’IREMAM (UMR 7310), le Centre Norbert Elias (UMR 8562) et TELEMMe (UMR 7303). Nous avons prévu de l’organiser à tour de rôle à la MMSH et à la Vieille Charité. Nous assurerons la formule d’un webinaire complémentaire.

Calendrier des séances

Vendredi 15 janvier 2021, 14h-16h, Centre Norbert Elias.

Introduction : Myriam Catusse, Thomas Glesener et Isabelle Grangaud.

Vendredi 5 février 2021, 14h-16h, en visio Zoom.

Thomas Pierret, IREMAM : « Succès et échecs de la construction étatique moderne au Moyen-Orient : perspectives institutionnalistes historiques ».
Lecture : Thomas Pierret, Syrie : État sans nation ou nation sans État ? In Anna Bozzo et Pierre-Jean Luizard (dir.), Vers un nouveau Moyen-Orient ? États arabes en crise entre logiques de division et société civile, Roma Tre-Press, 2016 : 179-192.

Vendredi 12 mars 2021, 14h-16h, en visio Zoom.

Élise Massicard, CNRS-CERI : « Formations non bureaucratiques d’Etat ».
Lecture : Benjamin Gourisse, 2014, « Ordonner et transiger. L’action publique au concret en Turquie et dans l’Empire ottoman », in Marc Aymes, Benjamin Gourisse et Élise Massicard (dir.), L’art de l’Etat. Arrangements de l’action publique en Turquie de la fin de l’Empire ottoman à nos jours, Paris, Karthala, coll. Meydan.
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Jeudi 1er avril 2021, 14h-16h, en visio Zoom.

Norig Neveu, IREMAM : «La gestion des biens waqf-s comme observatoire d’un “faire État” ottoman puis transjordanien?»
Lecture : Clayer, Nathalie. « 5. Un laiklik imposé ou négocié ? L’administration de l’enseignement de l’islam dans la Turquie du parti unique », Marc Aymes éd., L'art de l'État en Turquie. Arrangements de l'action publique de la fin de l'Empire ottoman à nos jours. Karthala, 2013, pp. 103-125.

Vendredi 23 avril 2021, 14h-16h, en visio Zoom.

Myriam Catusse, IREMAM : “(Social) States make wars, Wars make (social) States ?”
Lecture : Tilly, Charles. (1975). « War Making and State Making as Organized Crime ». Dans P. Evans, D. Rueschemeyer, & T. Skocpol, Bringing the State Back In. New-York: Cambridge University Press, 169-187.

Jeudi 27 mai 2021, 14h-16h, en visio Zoom.

Isabelle Grangaud, Centre Norbert Elias  :« Quand le Bayt al-mâl fait famille. Administration des successions vacantes à Alger et ses environs à l’époque ottomane ».
Lecture : « Où s’arrête la famille ? Successions, droits d’appartenance et Bayt al-mâl à Alger à l’époque ottomane », L’Atelier du Centre de recherches historiques 22 | 2020.

Vendredi 11 juin 2021, 14h-16h, Centre Norbert Elias.

Thomas Glesener, TELEMMe : « Penser l’universel avec un porc. Batailles pour l’hégémonie dans un village espagnol d’Ancien Régime ».
Lecture : Thomas Glesener, « Le commun peut-il tenir dans un porc ? Conflits ordinaires autour de la propriété des biens des âmes en Espagne au XVIIIe siècle », Politix, 119 (3), 2017, p. 53-78.

Jeudi 17 juin 2021, synthèse en interne.