Séminaire « Recherche, arts et pratiques numériques » (2019-2020)

Comité d'organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, CNRS/AMU/EHESS), Anna Guilló (LESA, AMU/CNRS), Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU) et Manoël Pénicaud (IDEMEC, CNRS/AMU).

Thématique du séminaire

Ce séminaire transdisciplinaire s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières.

Dans le domaine des sciences humaines et sociales, le recours aux pratiques numériques conduit à de nombreux bouleversements que ce soit dans la collecte, la production et le traitement de données, ainsi que l’élaboration de nouvelles formes de narration et d’édition. Le tournant numérique conduit les chercheurs à reconsidérer leurs méthodes, leurs catégories, leurs paradigmes, leurs orientations théoriques, leurs objets, leurs formes de labellisation et les cadres des champs disciplinaires. D’ailleurs, compte tenu des collaborations toujours plus nombreuses qu’implique le recours au numérique entre d’un côté les sciences humaines et de l’autre les sciences exactes et expérimentales, il semble plus pertinent de parler de Digital Studies que Digital Humanities.

Dans le domaine de l’art, le numérique ouvre également des champs de pratiques radicalement nouveaux. Il transforme la relation des artistes aux outils qu’ils utilisent et aux connaissances qu’ils convoquent, produisent ou questionnent. Il transforme le statut et les formes des œuvres. En introduisant de nouvelles modalités pour assurer leur circulation, il modifie également leur relation avec le public. Le numérique bouleverse la place de l’auteur qu’il place dans une relation dynamique par rapport aux flux d’information, de circulation des images, des sons et des formes. Il donne ainsi une nouvelle importance à l’invention de dispositifs dans lesquels ces formes sont données à l’expérience, ouvrant d’infinies possibilités d’interaction avec l’œuvre. Il donne enfin une nouvelle dimension au travail collectif, à des formes diverses de collaborations, d’échanges et de contributions. D’une façon générale, on peut dire que le numérique déplace les pratiques artistiques et conduit à réfléchir autrement les relations entre arts et sciences.

Ce séminaire rassemblera des chercheurs en sciences humaines (sociologues, anthropologues, politologues, géographes, historiens, littéraires), en sciences dures (informaticiens, physiciens, mathématiciens, etc.), des artistes (designers, hackers, programmeurs, média tactique, etc.) ainsi que des professionnels (industriels, chargés de communication, etc.). Notre objectif est de favoriser des croisements, des emprunts et des déplacements qui seront propices à l’identification de nouvelles pistes de réflexion et de recherche, voire à la mise en œuvre d’expérimentations collaboratives.

Chaque mois, des participants seront invités à présenter leurs expérimentations d’outils numériques de collecte (applications mobiles, capteurs oculaires, systèmes SIG, etc.) ou d’indexation et de traitement des données recueillies (bases de données, systèmes de visualisation ou de sonification, etc.). Certains feront part de leurs explorations de dispositifs d’écriture et de modélisation de la connaissance (jeux vidéo, machinima, web documentaires, etc) ou encore de nouvelles formes d’édition électroniques.

Trois types de questions seront développés :

1) Il s’agira tout d’abord de voir comment, et jusqu’à quel point, ces pratiques et instruments transforment notre rapport au monde, nos méthodes de recherche, la construction de nos objets, la modélisation et la diffusion de notre connaissance et de nos oeuvres.
2) Nous nous interrogerons aussi sur l’impact des processus collaboratifs qu’impliquent les pratiques numériques entre chercheurs, artistes et professionnels. L’objectif est d’évaluer les apports que chaque démarche (scientifique, artistique, professionnelle) apporte aux autres.

3) Nous verrons enfin comment ces processus collaboratifs bouleversent les champs disciplinaires, les points de vue et les formes d’autorité qui organisent notre recherche et notre pratique et conduisent à repenser de manière créative de nouvelles formes de rencontre entre les disciplines scientifiques et entre celles-ci et les non-spécialistes.

Partenariats : IMéRA, Institut Méditerranéen de Recherches Avancées (AMU), IREMAM, Institut de Recherches et d’Etudes sur le monde arabe et musulman (CNRS/AMU), Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-ProvenceIDEMEC, Institut d’Ethnologie Méditerranéenne Européenne et Comparative (CNRS/AMU).

Calendrier 2019-2020

Recherche, arts et pratiques numériques #26 : Simulations

Mercredi 16 octobre 2019, 10h-13h, Site Schuman, Pôle multimédia, salle des colloques 1, Aix-en-Provence, entrée libre.

Antoine Schmitt, artiste plasticien, programmeur. Discutant : Douglas Edric Stanley, artiste plasticien, programmeur, professeur à l’ESA Aix et à la HEAD (Genève).

Le terme de simulation informatique renvoie à une pratique fondamentale de la programmation : celle de reproduire, dans un ordinateur et sous forme d’algorithmes, des processus du monde réel. Dans le langage courant, le terme de simulation renvoie soit à la notion de leurre destiné à tromper son interlocuteur (« son chagrin est simulé »), soit à celle d’imitation d’une situation réelle potentielle (« une simulation d’attaque terroriste »). Dans ces deux cas, il y a opposition entre réalité et simulation. J’aimerais explorer ici le degré de réalité de la simulation informatique.

Antoine Schmitt abordera ces questions à travers des oeuvres produites depuis 20 ans et en particulier l’installation Prévisible en cours de finalisation. Le projet Prévisible exploite les données et modèles de prévisions météorologiques et géographiques à long terme issus d’une recherche menée par le bureau d’études GeographR sur l’évolution du climat du Grand site Sainte-Victoire. En se plaçant dans la perspective du climat futur, Prévisible vise à interroger les notions de prévisibilité et de responsabilité dans les réalités complexes.

Antoine Schmitt a été invité par M-topia à concevoir cette œuvre artistique liée à la prospective. M-topia, espace de partage pour développer des initiatives collectives autour de problématiques sociétales, a initié et produit Prévisible avec le soutien du DICREAM et du Conseil régional Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Recherche, arts et pratiques numériques #27 : Image vs. data

Mercredi 6 novembre 2019, 10h-13h, Site Schuman, Pôle multimédia, salle des colloques 1, Aix-en-Provence, entrée libre.

Des flux de données aux neurosciences

Marie-Laure Cazin, artiste et professeur à l’école supérieure des beaux-arts de Tours-Angers-Le Mans.

Cinéma et neurosciences

Ma communication s’appuiera sur un projet art-science qui propose le renouvellement de la forme cinématographique en utilisant des outils de captation de données cérébrales dédiés aux neurosciences. Le Cinéma émotif utilise des instruments de mesure physiologiques pour interpréter les émotions et propose une interaction implicite avec le spectateur. Il pourrait également être qualifié d’énactif, mais il se démarque en mettant son enjeu d’innovation sur l’interprétation émotionnelle du signal cérébral. Cela le met en résonance avec un imaginaire et des œuvres qui allient technologie et occultisme : transmission de pensées, représentation d’images mentales, télépathie, symptômes psycho-somatiques. Nous évoquerons aussi sa proximité avec certains dispositifs médicaux, qui traitent du rapport psycho-somatique et qui peuvent nous inspirer artistiquement pour créer de nouvelles formes.

Nous finirons par la présentation des derniers développements du Cinéma émotif en réalité virtuelle, le prototype EMOTIVE VR et son film pilote neuro-interactif en 360°, Freud, la dernière hypnose, qui correspond à la partie pratique de cette recherche.

Grégory Chatonsky, artiste et chercheur à l’ENS Ulm.

Un cerveau hors de soi : apprentissage, extinction, résurrection

En abordant les flux d’un point de vue historique comme étant le lieu de croisement et de conflit entre la nature, le corps et la technique, on verra comment la séquence contemporaine appartient en fait à une longue et profonde filiation : les réseaux de neurones artificiels, habituellement appelés « intelligence artificielle » rencontrent la possibilité d’une extinction de l’espèce humaine et du vivant en général ramenant la Terre à sa minéralité.

Terre Seconde (2019) et Suspension of Attention (2013) permettront de rendre sensible le lien historique entre l’extinction et la dite « intelligence artificielle ».

Jean-Marie Dallet, artiste et Maître de Conférences HDR, université Paris 8 – Vincennes, laboratoire AIAC [EA 4010].

Architectures de mémoire

L’intervention s’intéressera à l’invention d’un design spécifique portant sur l’élaboration d’interfaces destinées à mettre en forme les mémoires. Cette question est ancienne. Depuis la Grèce, en effet, des techniques ont été imaginées pour ordonner les souvenirs et en autoriser un accès rapide et sûr : processions, palais de mémoire, architectures, par exemple. Aujourd’hui, avec la numérisation des informations et son corollaire, la construction d’ensembles complexes de documents, s’impose la création d’architectures virtuelles permettant l’organisation des données et la navigation au sein de collections mobiles ainsi constituées par les algorithmes.

Le Cédérom La troisième biennale de Lyon (RMN, 1995) réalisé par Jean-Marie Dallet, les consoles archives interactives MIM (Marey Interactif Multimédia, 2010–2011) et VIM (Vasulka Interactif Multimédia, 2014-2019) de même que les dispositifs interactifs Sky Memory Project (2013–2015) conçus par le SLIDERS_lab [F. Curien, J.-M. Dallet], le travail de Robert Edgar, Memory Theatre One (1985) serviront de fil conducteur à cette discussion.

Recherche, arts et pratiques numériques #28 : Écritures documentaires

Mercredi 11 décembre 2019, 10h-13h, S 10h-13h, IMéRA, Marseille, entrée libre.

Crime as art

David Redmon, résident à l’IMéRA, réalisateur, sociologue, criminologie et ethnographie de la vidéo à l’Ecole de Politique, sociologie et recherche sociales de l’université de Kent, Royaume-Uni.

Kim’s Video formerly located at St. Marks Place in NYC was known to have one of the most comprehensive video collections in the world. However, with the rise of digital streaming, Kim’s Video, as a business model, became obsolete. In September 2008, its owner Mr. Yongman Kim put an open call on the Internet offering to donate his entire collection of 55,000 VHS and DVDs. He received over 60 offers, and chose to send the collection to Salemi, Sicily. But why and how was the now-defunct video store Kim’s Video (NYC) sent to Sicily? What happened to the Kim’s Video collection after it arrived to Sicily? What is the state of the collection today 11 years later?

Kim’s as a commodity chain raises questions about the redistribution of material media and ownership circulated and transferred under nebulous claims. Aside from the ongoing disappearance of material media (VHS, Cassette, DVD), the physicality of an archive such as Kim’s and what it promotes is a valuable and worthwhile cultural resource in an age of de-materialization and digitization. My talk concludes with a discussion of how criminal fantasy has been injected into documentary cinema as performance art to address the real.

Boris Pétric, anthropologue, Centre Norbert Elias (EHESS, Aix Marseille Université, CNRS) Boris Pétric rendra compte de sa collaboration avec David Redmon au cours de sa résidence à l’IMéRA et à la Fabrique des écritures innovantes. Discutant : Frédéric Pouillaude, esthétique et théorie de l’art moderne et contemporain Aix-Marseille Université, Département Arts, Secteur Arts plastiques et sciences de l’art Membre honoraire de l’Institut universitaire de France.

Recherche, arts et pratiques numériques #29 : Hétérographies circassiennes. Quand les chercheurs montent sur scène.

Mercredi 15 janvier 2020, 14h-17h30, MMSH, salle Germaine Tillion, Aix-en-Provence.

Deux performances, une discussion : ce séminaire d’un format inhabituel ouvrira une discussion à la suite de deux performances réalisées par des chercheurs en sciences humaines et des artistes de cirque.

Cédric Paga, alias Ludor Citrik, clown et auteur de cirque, et Olivier Tourny, ethnomusicologue et directeur de recherche au CNRS, IDEMEC, ont comme point de départ une enquête de terrain dans un monastère chrétien mixte d’un village arabe en Israël, et s’interrogent sur l’essence même de la musique.

Vincent Berhault, auteur de cirque, metteur en scène et jongleur, et Vincent Geisser, chercheur au CNRS, IREMAM, politiste et sociologue spécialiste de l’Islam en France, s’emparent du concept de laïcité, retournant à ses fondements historiques, touchant du doigt sa complexité et écoutant son vibrato dans la société actuelle.

La discussion avec les artistes sera animée par Heather Barfield, Fullbright Scholar invité à l’IREMAM et aura lieu avec les artistes en compagnie de Karima Dirèche, historienne, TELEMMe (CNRS/Aix Marseille Université) et Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM (CNRS/Aix Marseille Université).

Recherche, arts et pratiques numériques #30 : Archéologie et modélisation du son

Mercredi 5 février 2020, 10h-13h, MMSH, salle PAF. Séance annulée en raison de la participation des intervenants au mouvement de grève pour manifester leur opposition à la LPPR.

Emmanuelle Rosso, Histoire de l’art et Archéologie romaines, Paris-Sorbonne Université et Alexandre Vincent, histoire romaine, HERMA, Université de Poitiers.

Pour une exploration sensible du théâtre antique d’Orange : le projet SONAT

Le projet SONAT a pour objet d’étude l’un des édifices de spectacles les mieux conservés de l’Antiquité romaine : le théâtre d’Orange. Il est né du constat selon lequel les restitutions archéologiques en 3D, qui sont régulièrement proposées pour « faire revivre » les monuments du passé, ne prennent que rarement en compte, précisément, la réalité quotidienne, les fonctions et les usages de ces derniers. C’est singulièrement le cas des monuments de spectacle, qui n’apparaissent souvent que comme de somptueux écrins architecturaux. Quoique notre information sur les performances théâtrales antiques soit très lacunaire, le projet SONAT entend tirer parti des travaux approfondis menés récemment sur l’architecture du théâtre d’Orange et du développement des sound studies pour proposer une évocation des capacités acoustiques de l’édifice. Il s’appuie sur une double modélisation : celle de l’architecture d’une part, avec l’élaboration d’une maquette numérique du théâtre reflétant l’état actuel des connaissances, celle du son d’autre part, rendue possible par le développement de nouvelles technologies de simulation numérique.

L’exploration se fonde sur une étude des propriétés acoustiques du monument et comprend un volet expérimental de simulation sonore. Un outil de mesure ad hoc a été développé afin de prendre en compte la configuration architecturale du monument et ses matériaux, ainsi que la position précise des sources sonores et des auditeurs. Ce logiciel a été nourri des enregistrements en chambre anéchoïque à partir de fac-similés d’instruments antiques réalisés par S. Hagel (Académie des Sciences de Vienne), philologue, musicologue et musicien. Le travail de reconstitution a ainsi conduit à la finalisation de l’auralisation – ou implémentation des sons reconstitués dans la maquette numérique du théâtre d’Orange. Pour en restituer au mieux les premiers résultats, il a été fait le choix de réaliser un court film d’animation invitant à une véritable exploration sensible de l’édifice et conviant le spectateur dans le théâtre lors d’une belle journée du Ier s. ap. J.-C., alors qu’un acteur et un musicien se préparent à entrer en scène. L’objectif de la présentation sera d’éclairer comment le croisement des outils numériques et des sources anciennes a conduit dans une certaine mesure les membres du projet à penser à nouveaux frais leur documentation et leur pratique disciplinaire, à la recherche du juste dosage entre hypothèses et reconstitution. Pour plus d’information sur le projet d’Emmanuelle Rosso sur le théâtre d’Orange

Recherche, arts et pratiques numériques #31 : Territoires et médiums

Mercredi 25 mars 2020, 10h-13h, Campus Schuman, Aix-en-Provence.

Territoires et médiums Images en transit. Territoires et médiums

Tania Ruiz, artiste et maître de conférences, Université Paris 8.

Calle Utopia

Intéressée par les modalités d’appropriation et de transformation des ensembles d’habitation hérités du modernisme architectural, j’ai voulu filmer à Las 3000 Viviendas de Sevilla en particulier la Calle Utopia. Pour différentes raisons que j’aurais l’occasion de détailler, filmer sur place paraissait impossible. Je commence actuellement une reproduction 3D du quartier effectuée avec les relevés disponibles en ligne, augmentés d’une sorte d’ « espace médiatique ». C’est au sein de cette reproduction qui aura lieu le tournage….

Paul-Emmanuel Odin, artiste, auteur, chercheur, directeur artistique de La compagnie, lieu de création à Marseille et enseignant à l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence.

Du monde à l’envers du carnaval au temps inversé du cinéma

Le carnaval zigzague dans les multiples dimensions d’un monde à l’envers. Imageries populaires, films de science-fiction ou performances contemporaines. Ceci nous subjugue et tisse un monde de communautés d’actions. Cela a constitué aussi l’un des plus beaux moments de la contre-histoire du sida : danser = vivre. Comment sommes-nous faits de ce temps inversé du carnaval, qui mugit derrière des apparences et des mouvements redistribués ? Quelques alliances hybrides et régressives s’inventent sur un chaos vivant. Comment hommes, femmes ou animaux, échangeons-nous ou entremêlons-nous nos places ? Retrouver toutes les séances sur le site de l'antiAtlas des frontières