Séminaire inter-laboratoires MMSH « Les Séances médiévales d’Aix-Marseille » (2020-2021)

Responsable scientifique : Julien Loiseau, AMU/IREMAM.

Laboratoires partenaires : CIELAM, CPAF, IREMAM, LA3M, TELEMMe.

Les Séances médiévales d’Aix-Marseille est un lieu de réflexion pluridisciplinaire, un rendez-vous d’actualité de la recherche et un cadre de formation des jeunes chercheurs sur les sociétés méditerranéennes au Moyen Âge. Le Moyen Âge constitue en effet un cadre épistémologique commun à de nombreux travaux conduits à AMU en histoire, histoire de l’art, archéologie, philosophie, littérature et linguistique. Loin d’être seulement une convention chronologique, cette découpe particulière du temps que constitue le millénaire médiéval offre un cadre de réflexion d’une grande acuité pour comprendre sur le temps long la formation plurielle des sociétés méditerranéennes et la sédimentation des héritages dont elles se réclament encore aujourd’hui. En associant plusieurs intervenants autour d’une thématique commune, chaque séance entend faire dialoguer des médiévistes d’horizons divers sur leurs objets et leurs pratiques de recherche, à la croisée des disciplines et des différents mondes médiévaux. Séminaire inter-laboratoires, les Séances médiévales d’Aix-Marseille réunissent des enseignants-chercheurs et chercheurs des différentes équipes de la MMSH et leurs invités.

Programme 2020-2021

« Comment naît l’empire. Trois regards sur la formation de l’Empire islamique »

Vendredi 2 octobre 2020, 14h-18h, MMSH, salle Germaine Tillion.

Avec Denis Genequand (directeur du site et musée romains d’Avenches, Suisse), Frédéric Imbert (professeur d’épigraphie arabe et islamique, Aix-Marseille Université, IREMAM) et Sobhi Bouderbala (maître assistant en histoire à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, titulaire de la chaire Averroès IMéRA/A*MIDEX-AMU).

« Le Moyen Âge et la question écologique. Regards croisés sur les rapports des sociétés médiévales occidentales à la nature »

Vendredi 15 janvier 2021, 14h-18h, en visio Zoom.

Avec Jean-Pierre Devroey (Université Libre de Bruxelles) et Fabrice Mouthon (Université de Savoie). Séance préparée et animée par Emmanuel Bain (AMU) et Laure Verdon (AMU, TELEMMe).

« L’idée de nature et la question écologique sont, en Occident, des inventions médiévales ».

À l’instar de ce qu’affirme Fabrice Mouthon, de nombreux médiévistes considèrent aujourd’hui que le rapport à l’environnement naturel que les sociétés occidentales médiévales ont imaginé et mis en œuvre se trouve aux origines, à de multiples égards, des comportements actuels. De fait, le lien entre action des hommes, dérèglement climatique et crise sanitaire, que l’on pourrait croire caractéristique de notre pensée contemporaine de l’anthropocène, est déjà clairement établi au début du VIIe siècle dans le Traité de la nature d’Isidore de Séville :

« Certains auteurs ont dit quelle est la cause de cette peste : quand, en raison des fautes des hommes, le coup du châtiment s’abat sur la terre, alors, pour un motif quelconque – sécheresse, chaleur violente ou excès de pluie –, l’atmosphère se corrompt et l’ordre de la nature se trouvant ainsi troublé dans son équilibre, il se produit une contamination des éléments, une corruption de l’air et un souffle pestilentiel, un mal pernicieux se déclare, qui infecte les hommes et tous les êtres vivants ».

De la Cosmographie de Bernard Silvestre au Roman de la rose, en passant par Alain de Lille, Nature, dans la littérature médiévale, ne manque pas d’occasions de se plaindre ! Sans prétendre que tout ait déjà été pensé au Moyen Âge, ces textes – autant que l’actualité écologique et éditoriale – nous engagent, deux ans après un premier séminaire des SMAM consacré au Moyen Âge dans son environnement (où s’étaient répondues les communications de Sylvain Piron et d’Aline Durand), à revenir sur cette question de l’attitude des hommes du Moyen Âge envers la nature, ou plutôt dans la nature. Nous le ferons cette année en dialogue avec Jean-Pierre Devroey (Université Libre de Bruxelles) - à qui nous avons repris la citation d’Isidore - auteur de La nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820) (2019) et Fabrice Mouthon (Université de Savoie) pour Le sourire de Prométhée. L’homme et la nature au Moyen Âge (2017). En abordant les renouveaux historiographiques et méthodologiques, nous nous attacherons à définir ce qui, de l’époque carolingienne au XVe siècle, a pu constituer les fondements politiques, juridiques, sociaux et idéologiques du « vivre ensemble » dans et avec la nature.

« La Rose au Moyen Âge. Littérature, Histoire, Histoire de l’art »

Vendredi 9 avril 2021, 14h-17h, en visio Zoom.

Avec Valérie Gontéro-Lauze (AMU/CIELAM) et Yves Porter (AMU/LA3M/IUF). Séance préparée et animée par Valérie Naudet (AMU/CIELAM).

Fleur des fleurs, reine des fleurs, cultivée depuis l’Antiquité, recherchée pour ses vertus autant que pour sa beauté, elle orne au Moyen Âge les cloîtres des monastères comme les jardins des palais. Hildegarde de Bingen en recommande l’usage pour nettoyer les yeux et calmer la colère ; Thibault IV de Champagne en rapporte d’Orient une espèce inconnue en France, la rose de Provins ; les poètes d’Orient et d’Occident la chantent, liée au printemps, à l’amour, à la beauté ; les romanciers en font l’objet d’une quête amoureuse, onirique et sensuelle. Leurs images et leurs mots vont marquer pour les siècles à venir le lyrisme amoureux et la construction de l’idéal féminin dans les imaginations. La rondeur de sa forme, l’incarnat ou la candeur de sa robe, l’intensité de son parfum en font une figure de la perfection, profane, érotisée par les poètes, ou sacrée, associée à la Vierge, rose sans épine. A la fin du Moyen Âge, la guerre des roses s’achève en bouquet, rose blanche des York et rose rouge des Lancastre unies dans la fleur rouge au cœur blanc créée par Henry VII Tudor, emblème aujourd’hui encore de l’Angleterre. De l’union à la fusion, il n’y avait plus qu’un pas à franchir. Il ne le sera pas avant le XVIIIe siècle : Michel Pastoureau a montré qu’il faut attendre les Lumières pour que « la rose crée ‘le rose’ » (Le Rouge - Histoire d’une couleur, Paris, Seuils, 2019, Points Seuils, 2019 p. 155).
C’est à cette fleur, simple fleur mais prise au Moyen Âge dans un complexe réseau de sens que nous consacrerons un après-midi. Il était prévu l’année dernière pour le mois de mai, celui de la rose par excellence et il est finalement programmé cette année comme une annonce de la saint Valentin, rappel de ce que la littérature amoureuse lui doit.

« La rose dans l'encyclopédisme médiéval : l'exemple du Grant Herbier en françois  ».
Valérie Gontéro-Lauze (AMU/CIELAM).

Depuis l'Antiquité, la rose occupe une place privilégiée dans les textes encyclopédiques. Les herbiers attribuent à cette fleur de nombreuses vertus médicinales. Après avoir rappelé les sources et les formes de l'herbier médiéval, nous présenterons un texte majeur de la fin du Moyen Âge, Le Grant Herbier en françois, pour analyser ensuite l'article très complet qu'il consacre à la rose.

« La rose dans le monde iranien : paradigme ancré et dilution référentielle ».
Yves Porter (AMU/LA3M/IUF).

La rose (gol), symbole de printemps et de renouveau, de beauté mais aussi de l’être aimé, est omniprésente dans la poésie persane, au moins dès le Xe siècle ; elle demeure en revanche longtemps difficile à identifier dans les arts visuels du monde iranien. L’arrivée progressive de modes de représentation exogènes, venus soit d’Extrême- Orient par le truchement des Mongols à la fin du XIIIe siècle, soit, plus tardivement d’Occident (2e moitié du XVIIe siècle), renouvelle l’iconographie de cette fleur. Mais ces nouveaux codes, où l’on pourrait voir émerger une sorte de convergence des idiomes visuel et poétique, en particulier dans l’association « rose et rossignol » (gol-o bolbol), trahissent en réalité un affadissement progressif des valeurs du langage visuel, paradoxalement brouillées par l’explicitation jusque-là quasiment inédite des métaphores poétiques.

« Écrire une biographie : un exercice impossible ? »

Vendredi 23 avril 2021, 14h-18h, en visio Zoom.

« Bien plus fragile qu’un objet archéologique que l’on parvient, le plus souvent, à reconstituer au moins en ses contours, à partir de quelques fragments, bien plus fragile, en effet, est un objet mental dont l’analyse a perdu la trace » : en conclusion d’un article de 1996 consacré à « la biographie impossible de Mahomet », Jacqueline Chabbi présentait la biographie comme un « objet mental » que l’historien, tel un archéologue, cherchait à reconstituer dans un défi presque impossible. Avait-elle à l’esprit qu’Arsenio Frugoni, dans la préface de son livre sur Arnaud de Brescia, avait abondamment usé de la métaphore archéologique reprochant aux tenants de la « méthode philologico-combinatoire » de reconstituer abusivement une « mosaïque » et présentant son œuvre « comme l’un de ces fragments de sculpture antique, aux lignes pourtant (est-ce une illusion de ma part ?) vigoureusement suggestives » ?
Dans les deux cas, le doute semble l’emporter sur la certitude et, vingt-cinq après la parution de cet article de Jacqueline Chabbi mais aussi du Saint Louis de Jacques Le Goff qui a redonné toutes ses lettres de noblesse à un genre longtemps méprisé des historiens universitaires, nous nous proposons dans cette séance de réfléchir à nouveau à la façon et à la possibilité d’écrire le récit d’une vie. Nous le ferons autour de trois interventions et de trois problèmes très différents :

Elisabeth Malamut (AMU/LA3M) : « Écrire la vie d’Alexis Ier »
Laure-Hélène Gouffran (AMU/TELEMMe) : « Des sources de la pratique à l’écriture biographique »
Mehdi Azaiez (UC Louvain) : « La biographie coranique de Muḥammad ? » Responsable de la séance : Emmanuel Bain (AMU/ TELEMMe).