Joseph Desparmet. Ethnographie traditionnelle de la Mettidja. Le mal magique
Présentation de Kamel Chachoua, éditions Bouchène, 205 p.
Ouvrage publié avec le soutien de l'IREMAM
Publié il y a près d’un siècle à Alger en 1932, ce livre de Joseph Desparmet (1863-1942) sur la « médecine des ancêtres », les pratiques et les croyances religieuses populaires dans la Mitidja des années 1900 où il exerçait comme professeur d’arabe au lycée de Blida, décrit minutieusement un ordre social et culturel en train de s’écrouler devant l’irruption violente du système économique et politique colonial. La naissance et l’expansion à ce moment-là de l’association des Ulémas musulmans algériens qui passait alors au crible de la raison scientifique tous les éléments de la culture savante et populaire algérienne précipitait encore plus l’effondrement de cet ordre ancien. Cela dit, le but principal de cette écoute et collecte, patiente, lente et réfléchissante de documents et de récits populaires par J. Desparmet, n’est pas du tout guidée par le projet de sauvegarder un patrimoine culturel menacé de disparition mais vise à montrer comment une culture et une société dominée, vaincue militairement, résiste. À la différence des ethnologues militaires et universitaires de la fin du XIXe, qui sont des intellectuels conquérants qui opposaient les grandes familles contre les notabilités confrériques, le Coran contre la coutume, la langue arabe dialectale contre la langue classique, les poètes contre les lettrés, les Kabyles contre les Arabes, Joseph Desparmet, traite ces oppositions comme un tout cohérent, comme un système. Dans ce livre, il n’oppose pas non plus la médecine islamique érudite à la médecine populaire et superstitieuse, mais pense les deux comme un tout faisant partie d’une plus grande tradition populaire et universelle.
Aucun autre que lui n’avait anticipé la fin de l’« Algérie française » qu’il expliquait non pas par des raisons économiques mais par des principes symboliques liés au sentiment et à la passion jalouse (al-ghira) millénaire des Algériens à la liberté et l’indépendance. « Je me propose, disait-il, de décrire les péripéties dont j’ai pu être témoin de cette lutte, le plus souvent occulte pour les étrangers, du vieux génie maghrébin et du moderne génie européen. J’appelle les mouvements d’opinions que je vais noter les “réactions nationalitaires” de l’Algérie parce que je ne les crois purement ni anarchiques, ni francophobes, ni religieux, ni bolchévistes, ni pro-arabes, mais d’inspiration foncièrement maghrébine et en relation avec l’aspiration millénaire vers l’unité et l’indépendance qui se remarque dans toute l’histoire de la Berbérie ».
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Lire la présentation de Kamel Chachoua : "La médecine des ancêtres. Pratiques médico-magiques et croyances religieuses dans la Mitidja de 1900"